Quand les politiques cherchent à éliminer la psychanalyse des soins

Une tribune du quotidien Le Monde titrée : « L’élimination de la psychanalyse n’a jamais amélioré le soin, mais elle a appauvri l’idée de ce qu’est un être humain »[1] et signée par les psychanalyste Cynthia Fleury, Clothilde Leguil et Roland Gori, questionne n’y a-t-il pas urgence à restaurer dans notre monde un rapport possible à la parole et à l’autre ?

Il est vrai que la proposition de l’amendement 159 par des sénateurs interpelle. Que cherchent les sénateurs en proposant d’interdire une pratique qui permet de libérer une parole, de dénoncer les abus, de restaurer les capacités de travail d’un être, de l’aider à se défaire des liens toxiques, de proposer la construction d’une voie de changement et de créer un avenir possible en lieu et place des voies fermées par les traumatismes, de permettre de mettre fin aux cycles des violences familiales et aux répétitions pathologiques.

En clair, la psychanalyse permet à un être de devenir autonome, responsable, et surtout de devenir sujet et non assujet. Mais c’est peut-être cela qui dérange et qu’il faudrait empêcher. Au nom de la science, l’État met en acte « l’aversion pour la parole, l’aversion pour le sujet, l’aversion finalement pour ce qui, en nous, permet aussi d’échapper à l’emprise ».

Cette parole en séance avec un psychanalyste, permet à un être de se questionner sur les relations qu’il entreprend, sur les liens qu’ils nouent avec autrui, parfois toxiques, mais aussi se mettre au jour la culpabilité qui peut le pousser à avoir des comportements destructeurs ou d’autosabotage. Grâce à sa cure, l’être peut se déprendre de ses identifications symptomatiques, de ses répétitions pathologiques et construire son désir propre.

Cette possibilité de la parole dans un espace dédié et protégé par la confidentialité est utile. Le souvenir du COVID est déjà loin pour nos sénateurs, mais j’ai le souvenir d’avoir travaillé tous les jours et même le weekend pour assurer la continuité des soins et me rendre disponible pour les personnes en souffrance. J’ai le souvenir qu’aucun des patients suivis avant le confinement, pendant et après, n’a vu son état psychique dégradé davantage.

Au contraire, la plupart des patients, même s’il y avait une souffrance en lien avec la situation exceptionnelle, a traversé cette période sans trop de remous. Leur cure a offert cet espace, cette soupape, sans laquelle ils se seraient enfoncés davantage dans la dépression, l’isolement et l’enfermement.

Les psychanalystes accueillent la souffrance psychique, quelle que soit la façon dont elle se présente. Il ne s’agit pas de rééduquer un comportement, ni même d’indiquer ou d’imposer une façon de faire, mais au contraire de permettre à un être de construire sa voix, sa propre voie, celle qu’il pourra emprunter pour continuer à vivre, construire son existence en ce monde, sa place, son lieu, son avenir.

[1] Fleury, C., Gori, R., Leguil, C. « L’élimination de la psychanalyse n’a jamais amélioré le soin, mais elle a appauvri l’idée de ce qu’est un être humain ». Le Monde, le 04 décembre 2025, consulté le 04 décembre 2025, https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/12/04/l-elimination-de-la-psychanalyse-n-a-jamais-ameliore-le-soin-mais-elle-a-appauvri-l-idee-de-ce-qu-est-un-etre-humain_6655919_3232.html